François BAYROU répond au Bien Public
François Bayrou, président du MoDem, est en pointe dans la dénonciation de l’arbitrage qui a permis à Bernard Tapie d’encaisser 403 millions d’argent public. Il répond à nos questions.
Vous dénoncez depuis le début l’arbitrage en faveur de Bernard Tapie. Pourquoi cette obstination ?
«Parce qu’il ne s’agit pas que d’une affaire Tapie mais d’une affaire d’État. Personne n’en doute plus, puisque tout le monde, y compris Tapie lui-même, s’accorde désormais à dire que la décision a été prise au sommet du pouvoir. C’est l’affaire la plus grave depuis que la Ve République existe. Cet abus, qui a débouché sur la spoliation des contribuables à hauteur de plus de 400 millions d’euros, a été conçu et mis en place avec la participation active des autorités de l’État. Ce sont ceux qui étaient censés gérer l’argent public qui ont pris, à l’encontre de la loi, une décision qui appauvrit la France. Je rappelle que l’État n’a pas le droit de faire appel à l’arbitrage. Cette affaire met en cause les principes mêmes de l’organisation d’une société de droit. »
N’est-il pas trop tard pour obtenir réparation ?
« Je ne le crois pas. Une règle de droit stipule que lorsqu’il y a eu fraude, la décision est annulée. Il faut désormais obtenir cette annulation. Mais il faudra aussi se demander pourquoi de hauts dirigeants de l’État se sont cru autorisés à faire ce qu’aucun élu local n’aurait osé faire. À mon sens, la dérive s’explique par le déficit de démocratie et de pluralisme. N’oublions pas que l’affaire Tapie a commencé pendant les années Mitterrand dont il a été membre d’un gouvernement ! Ni la gauche ni la droite n’en ont parlé au Parlement. C’est inconcevable. Si vous n’avez pas de pluralisme, c’est l’omertà, c’est-à-dire la loi du silence. Celle-ci, heureusement, est en train de se lever. »
Ce nouveau scandale ne profite-t-il pas d’abord aux extrêmes ?
« Pendant cette affaire, les extrêmes n’ont rien dit ! Et ce n’est pas la révélation qui empoisonne la politique, c’est le scandale. Il faut le dévoiler pour permettre d’administrer l’antidote. »
Nicolas Sarkozy, que vous accusez d’être à l’origine de la « manœuvre », est protégé par l’immunité présidentielle.
« Cette immunité créera dans les semaines à venir un grave problème d’opinion. Si les exécutants sont mis en cause et pas le premier décideur, cela posera des questions institutionnelles. »
Vous semblez, aujourd’hui, plutôt optimiste…
« Nous avons été peu nombreux à nous battre contre cet arbitrage illégal. Pour ma part, j’ai écrit un livre (« Abus de pouvoir », Plon 2009) et nous avons été deux à aller en justice (avec le député UDI Charles de Courson), où nous avons été déboutés par le tribunal administratif au mauvais prétexte que ce n’était pas l’État qui était en cause mais le Consortium de réalisation du Crédit Lyonnais. Les faits, aujourd’hui, nous donnent raison : c’est bel et bien l’État qui se porte partie civile. Il ne sera plus possible d’étouffer l’affaire. Voilà la preuve que l’intervention d’un tout petit nombre de personnes peut faire triompher la vérité. »
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