Interview France Bleu Bourgogne / François Deseille – lundi 06 mai 2013
Interview de François Deseille par Stéphane Parry sur France Bleu Bourgogne, le lundi 6 mai 2013
Parue dans la Gazette de Côte-d’Or du jeudi 16 mai 2013
Stéphane Parry : Bonsoir François Deseille !
François Deseille : Bonsoir
La manifestation de Jean-Luc Mélenchon du Front de Gauche pour une VI ème République a rassemblé entre 30 000, selon la police, et 80 000 selon les organisateurs. C’est une réussite ou un échec selon vous ?
Je pencherais plutôt pour 30 000, j’ai tendance à faire confiance aux chiffres du Ministère de l’Intérieur, quelque soit d’ailleurs la démonstration de force réalisée par les militants. Il y a du monde, il ne faut pas dire le contraire.
Par contre, il faudrait peut-être que les gens regardent de plus près, l’intitulé, le contenu du programme de Mélenchon qui est populiste à fond. J’ai bien aimé ce qu’a dit Ayrault hier soir « une voie sans issue ».
Il se dit prêt lui à être au pouvoir s’il le faut, si on lui demande. C’est plausible, réaliste ?
Mais avec qui, en faisant quoi ? : quitter la zone euro,…. C’est du grand n’importe quoi. Aucun commentaire là dessus.
Au delà de cette manifestation, un an après l’élection de François Hollande, pensez-vous qu’il faille changer le mode de fonctionnement des institutions de l’Assemblée, du Sénat et ce que Jean-Luc Mélenchon appelle une VI ème République ?
Vous savez il n’y a pas que Monsieur Mélenchon qui prodigue une VI ème République. François Bayrou, dont je porte et défend les couleurs, est aussi partisan d’un changement de l’institution. Il faut vraiment voir qu’on a un souci en France. Il faut arriver à rendre plus de pouvoir au Parlement, peut-être diminuer le nombre de députés.
Quid du Sénat : est-ce qu’il faut renforcer son rôle ? Est-ce qu’il faut clarifier son rôle, son mode d’élection également ?
Au niveau des élections, une dose de proportionnelle. On est bien sûr contre la proportionnelle intégrale comme certains voudraient.
Dans quel mode d’élection la proportionnelle ? Élection locales,…
Proportionnelle, au niveau local, cela existe déjà avec le scrutin de listes. Mais en tout cas, arriver à un scrutin proportionnel soit départemental, comme le propose François Rebsamen, pourquoi pas, mais en tout cas, un scrutin avec une dose de proportionnelle.
Est-il normal que 50 % des Français soient représentés à l’Assemblée nationale et que les 50 autres ne soient pas du tout représentés.
Je ne suis pas du tout pour le Front National mais pourquoi le Front National n’a que 2 députés, le MoDem n’a que 2 députés. D’un autre côté, les Verts qui on fait 1,5 % aux présidentielles, ont 20 députés avec des accords électoraux.
Il y a un souci là dessus. Il faudrait vraiment que les Français soient représentés à leur juste valeur.
76 % des Français se disent mécontents de l’action de François Hollance. Au bout d’un an, c’est un chiffre qui vous surprend ? Ça fait beaucoup ?
Ça fait beaucoup. Je pense que c’est un peu tôt, au bout d’un an, avec les difficultés actuelles, pour porter un bilan définitif.
Le bilan est à mon avis mitigé. Il y a du positif, accord entre les syndicats et le patronat, plus de sécurité d’un côté, plus de souplesse pour l’entreprise de l’autre. Des bonnes intentions au niveau de la dette, en tout cas des intentions, je reviendrai la dessus après. Le Mali, on peut dire que c’est un conflit qui a été bien géré, avec beaucoup de retenue et ça on peut le féliciter par rapport à ce qui c’est passé avant.
Par rapport aux bonnes intentions, on dit il faut diminuer la dette, les dépenses. ON a la caisse à outils mais, à mon avis, les outils dedans ne sont pas bons. On a fait, à mon avis, trop d’impôts et pas assez de diminution des dépenses. Il faudrait mettre le paquet sur la diminution des dépenses. Peut-être trop d’incertitudes, trop d’interrogations. Des ministres qui parlent d’un côté, et de l’autre, des ministres qui disent autre chose le lendemain.
Il y a quelque chose qui ne va pas là-dessus. Est-ce qu’il n’y a pas assez de fermeté dans la gestion de ce gouvernement ?
Est-ce qu’il faut faire du protectionnisme comme le préconise, sans vraiment le dire, Arnaud Montebourg, à travers le dossier Dailymotion ?
N’y a-t-il pas une certaine maladresse de la part du ministre ? On est pas aujourd’hui dans une économie fermée.
Ce n’est pas sa première maladresse, on est habitué avec Arnaud Montebourg. En tout cas, nous au MoDem, nous avons dès le début et François Bayrou a été le premier à le prononcer « le made in France ». Cela a été repris, et tant mieux, par beaucoup de personnes, notamment par le gouvernement de produire en France.
C’est ce que préconise Arnaud Montebourg ?
Oui, c’est ce qu’a dit François Bayrou et qui a été repris par Arnaud Montebourg. C’était bien ce qu’avait dit Bayrou, or pendant la campagne ce n’était soit disant pas bon, et beaucoup de choses ont été reprises donc au final cela me fait doucement rire.
En tout cas, pour nous « le made in France » oui, mais pas de protectionnisme comme il le fait. Dailymotion a besoin de grandir, c’était une bonne opportunité, le président d’Orange avait pratiquement conclu l’affaire. C’est vraiment malheureux.
Revenons à cette idée d’un gouvernement d’union nationale, qui refait surface, on aurait des élus de droite et de gauche qui travailleraient ensemble. C’est pas un peu une utopie ça ?
Pourquoi ce serait une utopie ? 78 % des Français y sont favorables.
La cohabitation, ça ne fonctionne pas dans les faits
En tout cas, en France, ça ne marche pas.
Cela a marché en Allemagne dans le gouvernement précédent, l’ancien mandat, et certainement le prochain. En Italie, avec Enrico Letta du Parti Démocrate, cela se fait.
J’entends Gérard Collomb au PS dire « pourquoi pas», Benoist Apparu UMP, « pourquoi pas», François Fillon, à mots couverts, en a plus ou moins abordé le sujet.
C’est sur que 78 % des Français le souhaitent.
Vous dites cela car François Bayrou, leader du MoDem, arrive en tête d’un sondage publié par le JDD qui dit que 47 % des Français sont favorables à l’entrée de François Bayrou au gouvernement en cas de remaniement.
Voilà, il est vrai que c’est la personnalité qui arrive en tête. Je m’en félicite.
Ça fait partie de notre identité cette idée de gouvernement d’unité nationale, cette volonté d’union nationale. C’est un peu ce que j’ai réussi et amené à faire, ici à Dijon. C’est difficile de rassembler. Je ne suis pas de gauche et pourtant je travaille avec un maire, élu de gauche.
Dans les pays, comme l’Allemagne, l’Italie, ils arrivent à rassembler du centre gauche, du centre, du centre droit. Pourquoi ce qui marche à l’étranger, en Allemagne, qui je l’espère marchera en Italie, ne pourrait pas marcher en France sachant que 78 % des Français, vous l’avez dit, y sont favorables.
Cela veut dire que vous êtes pour un remaniement ministériel assez rapide ?
Les évènements futurs amèneront peut-être cette hypothèse. En tout cas, pourquoi pas et j’espère sérieusement.
Mon rêve, mon souhait en politique, c’est d’arriver à avoir un gouvernement de rassemblement, d’union. Cela peut se faire.
Des gens comme Collomb, Apparu, Fillon, sont prêts à travailler là-dessus et moi, je suis vraiment un fervent partisan de cela. Travailler pour l’intérêt de la France et non pas pour l’intérêt d’un parti. Il y en a assez, la France va mal, réunissons-nous pour qu’elle aille mieux.
Cela veut dire que vous pourriez travailler avec des élus du Front National ? Car 47 % des Français sont aussi favorables à la présence d’élus du FN au gouvernement.
Si vous m’avez bien écouté, j’ai dit des gens du centre gauche, du centre, du centre droit.
Pour moi, les extrêmes qu’ils soient de gauche ou de droite n’ont rien à faire dans un gouvernement d’union nationale.
Par contre, je suis partisan à ce qu’il y ait des députés du Front de Gauche et du Front National à l’Assemblée. Je trouve inadmissible que 30 % des électeurs des dernières élections présidentielles n’aient aucun représentant ou très très peu à l’Assemblée nationale.
Point que vous avez évoqué il y a quelques minutes, François Bayrou se trouve aujourd’hui en ligne de mire : la dette, la moralisation politique, … Vous allez surfer sur cette vague ?
Ce n’est pas surfer ou qui perd gagne. Le but c’est que la France aille bien, aille mieux. Elle ne va pas bien en ce moment et au contraire, la grave crise économique et financière est de plus en plus difficile à supporter pour bon nombre de Français.
Quant à la moralisation, malheureusement, l’affaire Cahuzac nous a mis l’accent là dessus. Il ne faudrait plus que cela recommence. Mais est-ce qu’on a mis tous les outils pour que cela ne recommence plus ? J’en doute.
La dette, cela fait des années, depuis 2002 que François Bayrou a dit « attention, on va dans le mur, on est en train d’utiliser les chéquiers de nos petits-enfants ». Et c’est exactement ce qu’il se passe. Malheureusement, les gens disent c’est pas grave, ça va se passer… ou on fait comme Mélenchon, on efface la dette. Je ne sais pas comment il fait mais c’est vraiment du n’importe quoi. Il faut donc vraiment être cohérent la dessus.
A Dijon, par exemple, la dette n’a fait qu’augmenter jusqu’en 2008. Moi, je suis très fier, car depuis 2008, la dette ne fait que diminuer.
Elle est quand même de 210 millions encore. A rembourser, cela prend un certain temps.
Elle était de 234 millions en 2008. 20 millions de baisse en 6 ans, je pense que c’est très bien.
Et quand on pense qu’elle est passée de 1991 à 2000, de 100 à 220 millions d’euros. Et oui l’UMP l’a fait passer de 110 à 220 millions en 10 ans.
Moi je suis très heureux que cette union à la Ville de Dijon, avec le PS, avec les Verts, avec le MoDem, a réussi à faire passer la dette de 234 millions à 210 millions maintenant. Donc bravo !
Qui va payer maintenant ? Ce sont les contribuables qui vont payer, dans les années à venir, cette dette ?
Ce n’est pas ça. C’est une meilleure gestion. Qu’est ce qu’on amené : on a amené de nouveaux outils, le BBZ par exemple, le budget base zéro,un outil qui permet de bien gérer le niveau des finances. On a maintenant un service des finances avec un directeur qui est très pointu au niveau de la gestion, de la maîtrise des finances.
Je suis très heureux de voir que les budgets sont respectés, tout en ayant des investissements importants, ce qui permet à la Ville de continuer d’avoir cette attractivité, ce rayonnement au niveau régional, national, et même européen. C’est important pour nous pour attirer les entreprises, pour le développement économique. Maîtrise de la dette, maîtrise des budgets, un investissement important, plus conséquent bien plus qu’à l’époque de Robert Poujade. Je me félicite de cela.
Venons-en aux prochaines élections municipales. A Dijon, François Deseille, y aura-t-il un candidat au 1er tour ? Est-ce que vous pourriez être candidat au 1er tour ?
En 2008, la question s’était posée et nous avions finalement trouvé un accord pragmatique avec François Rebsamen.
Là, nous devons prochainement nous rencontrer, on étudiera pourquoi pas la possibilité de travailler ensemble sur la base d’un programme : maîtrise de la dette, continuité de 2008 avec bien sûr amélioration, maîtrise du budget, investissements importants.
Par contre, un accent supplémentaire sur le développement économique, sur le haut débit, sur l’attraction par rapport aux entreprises, au tourisme. Faire rayonner encore plus Dijon, faire encore plus d’efforts. Beaucoup d’efforts ont été faits
De 2001 à 2008, il a réveillé Dijon. De 2008 à 2014, cela a été les grands projets comme le logement, le tram.
Je pense concernant le 3ème mandat, en tout cas ce sera mon souhait, et je lui en parlerai, qu’il faudra mettre l’accent sur le développement économique, le haut débit, l’attractivité par rapport aux entreprises, le tourisme, le rayonnement de Dijon. Un travail a déjà bien été fait avec le Grand Dijon, Dijon Développement, mais il faudra accentuer encore plus nos efforts sur le développement économique.
Donc vous ne serez pas candidat au 1er tour ?
Je n’ai pas dit ça. J’ai dit on réfléchit. Pourquoi pas ? Si jamais, on se rendait compte que l’accord n’était pas possible ou que du jour au lendemain, on décide de flamber la dette. Cela m’étonnerait complètement connaissant le personnage.
Où se situe le MoDem à Dijon, plus à gauche qu’à droite et pas réellement au centre si on devait le situer ?
Pour moi, le MoDem est un vrai parti centriste capable de travailler dans un projet de cité avec la gauche modérée ou la droite modérée.
Dans le département, on travaille avec la droite modérée, je pense à Talant avec Gilbert Menut.
De l’autre côté à Dijon, on travaille avec François Rebsamen.
Je veux dire que nous sommes un véritable parti centriste qui ne met pas d’oeillères. On peut travailler avec le centre gauche, on peut travailler avec le centre droit. On travaille dans un projet de cité et d’intérêt général de tous les Dijonnais et non pas s’interdire de travailler avec l’un ou l’autre.
Le projet de cité c’est quoi ? J’ai vu dans une interview qu’il y a un projet de cité à Dijon.
Le projet de cité, je vous ai dit, c’est travailler : qu’est-ce qui manque à Dijon ? Qu’est-ce qu’on peut encore améliorer à Dijon ?
Je vous ai dit le 1er mandat, c’était de réveiller la ville qui était endormie. Le 2ème mandat, celui auquel j’ai participé, c’était beaucoup d’aménagements : le tram, les grands mouvements, les grands projets. Le 3ème mandat, c’est de mettre l’accent sur l’économie pour attirer les entreprises.
Déjà au Grand Dijon, j’avais la délégation de la recherche, des transferts de technologie, parce qu’on considérait qu’une entreprise qui innove passerait mieux la crise. On l’a vu. On a créé beaucoup d’entreprises. On a créé le pôle Vitagora, on a créé le pôle Agronov à Bretenières. Sur l’agriculture, il y a déjà beaucoup de travail de fait. Continuons encore.
Il nous reste deux minutes. J’aimerais une réaction par rapport aux évènements de ce week-end :. Crues qui ont fait déborder l’Ouche, la Tille. On a entendu la colère de certains riverains, victimes des inondations, certains disent « on aurait pu faire des choses pour éviter cela ». Je vous demande ça car en tant que maire-adjoint de Dijon, vous êtes en charge des grands projets. Alors, selon vous, est-ce qu’on aurait pu prévoir et faire quelque chose pour les éviter ?
Prévoir, c’est extrêmement compliqué. C’est arrivé dans la nuit de vendredi à samedi. Le samedi, beaucoup d’élus étaient sur le terrain, branle-bas de combat
On ne peut pas prévoir des crues qui arrivent tous les 15 ou 20 ans. On empêche déjà les habitants de se rapprocher trop près de l’Ouche, etc.. par un périmètre inconstructible. On ne peut pas non plus tout faire pensé agitant le principe de précaution.
Après 2001, tout a été fait pour que ce genre d’évènement ne se reproduise ?
On va analyser ce qui a pu se passer pour éviter que cela se reproduise dans 15 ou 20 ans.
La nature est très forte, il est difficile de tout effacer.
Qu’est-ce qu’il faut aujourd’hui pour relancer l’économie française ?
Disons qu’il faut éviter d’augmenter trop les impôts, comme cela a été fait. Il faut au contraire diminuer les dépenses.
Il faut arrêter de mettre l’accent sur l’augmentation des impôts car cela commence à étouffer tout le monde. Ce n’est pas l’austérité qu’il faut.
Aussi bien les contribuables que les entreprises ?
Exactement. Il faut desserrer un peu le joug financier parce que là on est train d’étrangler l’économie. Serrer c’est bien mais il ne faut pas trop serrer, sinon on va vers l’austérité et non pas vers la relance.
François Deseille, chef de file du MoDem en Bourgogne et Côte-d’Or, invité de France Bleu Bourgogne, la Gazette de Côte-d’Or.
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