« Bayrou est un homme politique qui compte »
Retrouvez ci-dessous l’interview donné par François DESEILLE, Président du Mouvement Démocrate de Côte d’Or, à la Gazette de Côte d’Or :
« Bayrou est un homme politique qui compte
Un mois et demi après son score décevant au premier tour de l’élection présidentielle, François Bayrou pourrait perdre son siège de député aux législatives. Un scénario que n’envisage pas François Deseille, le leader du MoDem en Côte-d’Or, lequel observe attentivement les premiers pas du gouvernement et les remous qui agitent l’UMP.
LA GAZETTE : François Bayrou est donné perdant aux législatives. Une défaite pourrait-elle compromettre sa carrière politique ?
FRANÇOIS DESEILLE : Élection perdue, c’est vous qui le dites ! Je dirais plutôt élection difficile, comme celle de Jean-François Copé, le patron de l’UMP dans sa circonscription de Seine-et-Marne, et de tant d’autres ténors politiques candidats aux élections législatives. En tout cas, je ne crois pas que les médias ont remis en cause la carrière politique de Martine Aubry quand elle a perdu les élections législatives. De même, remettons-nous en cause l’existence des Verts avec un score de 2 % lors de la dernière élection présidentielle ? Arrêtons tout ce cinéma ! François Bayrou, avec un score de près de 10 % aux dernières élections présidentielles, est un homme politique qui compte et qui dérange, car il refuse le partage du pouvoir entre l’UMP et le Parti socialiste.
Avec le recul, comment analysez-vous son échec du 22 avril, lors du premier tour de l’élection présidentielle ?
Échec n’est selon moi pas le bon terme. Je préfère employer plutôt celui de contreperformance, car au regard des élections intermédiaires depuis 2007, notre score est plutôt satisfaisant. Mais il est vrai que François Bayrou pensait pouvoir remporter cette élection. Malheureusement, en dépit de la meilleure cote de confiance de tous les candidats, il n’a pas su rassembler suffisamment au premier tour, ce qui est vraiment dommage, car les sondages de deuxième tour l’incluant le mettaient systématiquement vainqueur et ce quel que soit l’adversaire. Alors, pourquoi ce score ? François Bayrou a tenu un discours de vérité sur la dette, sur la situation de la France, sur les efforts à fournir et n’a pas su faire rêver les Français en leur tenant des promesses intenables…
Son vote pour François Hollande le 6 mai a-t-il heurté une partie de son électorat ?
Tout d’abord, je tiens à rappeler que François Bayrou n’a donné aucune consigne de vote. Il a tout simplement effectué un choix personnel, un choix d’homme, un choix de valeurs. En fait, il n’a pas supporté que des cadres éminents de l’UMP, comme le ministre de la Défense (ndlr : Gérard Longuet), puisse, entre les deux tours, considérer Marine Le Pen comme « compatible » avec l’UMP. Nous sommes tous d’accord : il faut écouter les 6 millions de Français qui ont voté Front national, car pour une immense majorité, c’est un vote de protestation, un vote de ras-le-bol. Mais de là à travailler avec le FN, non, trop c’est trop !
Est-il encore raisonnable d’envisager que Bayrou puisse être le leader d’un grand mouvement centriste ?
Bien au contraire, son choix personnel a renforcé l’indépendance du centre. En effet, jusqu’à maintenant, le centre était le supplétif de la droite. Il a montré qu’un choix différent était possible, un courant politique libre, indépendant, central qui votera oui quand les projets du gouvernement iront dans le bon sens, et non lorsque nous les estimerons dangereux pour le pays. Nous servirons l’unité du pays et l’intérêt général.
Une victoire de la droite aux législatives vous semble-t-elle possible ? Et quelles pourraient être les conséquences d’une cohabitation ?
Je ne crois pas à une victoire de la droite, mais plutôt à une petite victoire de la gauche, car l’effet anti-Sarko, bien présent lors de l’élection présidentielle, n’existe plus. Le PS, de plus, a fait des cadeaux inconsidérés à ses partenaires traditionnels, et risque de devoir composer avec eux pour obtenir une majorité. En tout cas, j’espère sincèrement qu’un groupe centriste libre mais constructif puisse jouer un rôle de modérateur dans cette nouvelle assemblée.
Quelles pourraient être les conséquences d’une cohabitation ?
Il n’est pas à espérer une nouvelle période de cohabitation qui risquerait de paralyser les institutions de la France pendant quelques mois, et ceci alors que la crise est toujours là, bien présente.
Comment observez-vous la situation à l’UMP, où on assiste à une guerre des chefs ?
C’est un scénario normal après une défaite. Il aurait été le même au PS si la gauche avait perdu. Entre François Fillon et Gérard Longuet, au sein de l’UMP, il y a un monde de différences, de même entre Benoît Hamon et Manuel Valls, au sein du PS. La défaite exacerbe ces différences.
Qui, du Front national ou du Front de gauche, pourrait jouer un rôle majeur lors de ces élections ?
Je pense avant tout au Front national, car le vote Front de gauche à la présidentielle était surtout lié au rôle de tribun, de bateleur joué par Mélenchon pendant la campagne. Et là, il n’y aura pas 577 « petits Mélenchon » pour attirer les électeurs.
Les relations entre la France et l’Allemagne semblent s’être un peu refroidies…
La France et l’Allemagne sont les moteurs de l’Europe, et sont dans l’obligation de trouver un terrain d’entente. Chacun devra y mettre du sien. Unie, l’Europe est aussi forte que les plus grandes puissances mondiales comme les États-Unis, la Chine, le Japon, le Brésil… François Hollande et Angela Merkel devront s’entendre sur une véritable politique industrielle européenne mais également sur la mobilisation de l’épargne des Européens qui est essentielle au financement de l’industrie européenne et à sa compétitivité.
Une sortie de la Grèce de la zone euro est-elle souhaitable ?
Non, car le risque est grand de voir la situation se propager jusqu’à l’Italie, l’Espagne, au Portugal. Et puis après, à qui le tour ? L’erreur de départ est d’avoir laissé le FMI aider un pays de la zone euro. Il aurait mieux valu que nous réglions ce problème entre nous, en proposant à la Grèce un plan de refinancement assorti d’un calendrier de réformes acceptables, digérables par le peuple grec, sur une longue période, peut-être trente ans ; plan de refinancement dans lequel la Banque centrale européenne aurait joué un rôle d’assureur en dernier ressort. «
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