Exclusif : François BAYROU répond à la Gazette de Côte d’Or
« Lundi, François Bayrou, candidat MoDem pour l’élection présidentielle viendra à Dijon pour un meeting au Palais des congrès. La Gazette l’a rencontré dans son bureau parisien.
LA GAZETTE : Ce week-end, au Zénith de Paris, vous vous êtes présenté comme le président de l’espoir. En quoi, voter MoDem peut-il apporter de l’espoir face aux crises que traverse le pays ?
FRANÇOIS BAYROU : C’est en fait voter pour François Bayrou. On ne vote pas pour un parti. C’est une élection présidentielle, pas législative. C’est un acte de confiance personnelle. Depuis des années, quinze ans peut-être, la France va moins bien. Le chômage touche toutes les familles, les fins de mois sont difficiles, le pays est surendetté, l’école a de graves difficultés, et le lien de confiance entre les Français et leurs hommes politiques est profondément atteint. Donc, cela ne peut pas continuer comme cela. Il se trouve que, pendant ces quinze années, le Parti socialiste et l’UMP ont été au pouvoir alternativement. Même dans l’opposition, le PS se battait contre le gouvernement, non pas pour faire des économies, mais pour qu’il dépense plus. Ces deux partis sont coresponsables de la crise. Moi, en revanche, j’avertis depuis des années sur les risques que la dette fait courir au pays. Les Français savent que j’avais vu juste. Ils savent que la démarche que je propose pour la France est différente. Elle ne s’inscrit dans un débat droite contre gauche. Mais elle se concentre autour des réponses qu’il faut apporter à cette crise.
Quelles sont-elles ?
Elles concernent au moins quatre secteurs. Le premier : le désendettement du pays. Le deuxième, il faut produire en France pour recréer des emplois, des richesses, et du pouvoir d’achat pour les familles. Le troisième : la restauration de l’Éducation nationale pour qu’elle devienne une des meilleures éducations au monde, alors qu’aujourd’hui nous sommes dans les profondeurs du classement. Le quatrième concerne la moralisation de la vie publique pour rétablir le lien de confiance. Voilà mes quatre axes, qui sont les seuls pour le redressement du pays. Je conduirai ces quatre axes, en réconciliant les Français entre eux, et non en les opposant.
Avec le début de la campagne officielle, le temps de parole dans les médias audiovisuels doit être équitable entre les candidats. Comptez-vous sur ce dispositif pour mieux expliquer votre programme ?
En tout cas je compte sur le fait que les dernières semaines électorales sont celles où les Français se posent les véritables questions. En ce moment, ils sont un peu spectateurs de la campagne. Ils regardent cela comme on regarde une course de chevaux. À la fin, ils choisissent celui en qui ils vont mettre leur confiance de citoyen. C’est acte profond et personnel.
En 2007, vous aviez remarqué que de grands groupes de presse et de médias étaient détenus par quelques grands patrons, majoritairement favorables à Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, comment analysez-vous la situation ?
Cela n’a pas vraiment changé sur le fond. Sauf que de plus en plus c’est la bipolarisation que ces grands organes de presse choisissent. Ils le font pour que l’UMP et le PS se retrouvent dans un duel dans lequel ils ont leurs habitudes.
Le MoDem dit souffrir de la vision bipartite de la politique française. Pourtant les deux « Fronts », national et de gauche, figurent en bonne place dans les médias. Pour quelles raisons ?
Les extrêmes existent toujours. Ils sont plus repérables mais ils sont moins fiables aussi.
Durant votre discours au Zénith, vous avez défendu le vivre ensemble. Je cite : « Tous nos enfants, si différents, chrétiens, juifs, musulmans, ou autre chose, ou rien du tout, français en tout cas, ils sont sur les bancs de la même école ». Un Français se définit-il d’abord par sa religion ?
Non, c’est le contraire. Un Français se défini par rapport à notre pays et à ses valeurs. Passer tout son temps à revenir sur les questions de religion et d’origines, selon moi, c’est une faute. Je suis un défenseur de la laïcité car elle permet le vivre ensemble, avec des gens différents. Ils peuvent avoir des convictions religieuses, ou pas. Dans ces dernières ils ont le libre choix.
Vous le dites depuis des années, la dette est la clé de tout programme politique. Vous souhaitez récupérer 100 milliards d’euros. Proposer un plan de rigueur aussi sévère est-ce électoralement porteur ?
Ce n’est pas un plan de rigueur. C’est un plan de désendettement. Toutes les familles surendettées savent que c’est un esclavage. Et pour un pays c’est aussi un esclavage. C’est pourquoi je souhaite que notre pays sorte de ce surendettement. Le seul moyen de le faire oblige à réaliser des économies – 50 milliards – et à trouver aussi de quoi alimenter le budget – 50 milliards également. Les deux additionnés feront 100 milliards d’euros d’économie. Il n’existe pas d’autre moyen de s’en sortir. Si on ne le fait pas (ni Nicolas Sarkozy, ni François Hollande ne proposent de le faire), nous allons à une catastrophe nationale comme l’Italie, l’Espagne, ou la Grèce.
Vous voulez récupérer 50 milliards en réduisant les dépenses publiques. Est-ce la continuité de la RGPP (non remplacement d’un fonctionnaire sur deux) ?
Non ! La RGPP a été conduite trop souvent à l’aveugle. Je pense qu’il faut avoir une ligne de conduite. Nous ne dépenserons pas plus l’année prochaine, et la suivante, que nous n’avons dépensé cette année. Ce n’est pas sauvage ! Il ne s’agit pas de couper à grands coups de sabre.
En 2007, vous aviez recueilli près d’un quart des voix des enseignants. Cette fois, le discours de François Hollande, avec la création de ses 60 000 postes, semble plaire aux profs. De votre côté, vous garantissez des moyens constants pour offrir « la meilleure éducation du monde ». Détricoter les réformes de ces dernières années est-elle la seule possibilité pour sauver l’école ?
Il faut revenir aux fondamentaux. Notre pacte doit être « personne ne rentre en sixième sans savoir lire, écrire, et connaître la langue française. » Si ces acquis n’existent pas, il est impossible de suivre l’enseignement secondaire. C’est le seul moyen pour libérer les enseignants qui ne peuvent avoir des classes où peut-être 20 % des élèves sont complètement sur le bord de la route. Cela permettra de rendre l’équilibre adapté au système scolaire.
Vous souhaitez développer les collèges hors les murs, pour quelles raisons ?
Un certain nombre d’élèves sont déstabilisés et déstabilisent les classes. À ces enfants-là, il faut proposer un autre type de formation pour une remise à niveau. Mais elle ne doit pas seulement se contenter de les transférer de classe en classe.
Comment doivent cohabiter l’enseignement public et le privé ?
Harmonieusement.
C’est-à-dire ?
C’est le système éducatif français. Nous avons les deux types d’établissements. Les deux rendent des services aux familles. Il faut que cela se passe de manière harmonieuse.
Que pensez-vous de l’enseignement privé hors contrat ?
C’est une liberté. C’est aussi la preuve que quelque chose cloche dans l’enseignement public et privé. C’est un symptôme de la perte de confiance des parents dans notre système de l’Éducation nationale.
Le rythme scolaire est une question primordiale. Vous réfléchissez à une réforme de la semaine de quatre jours. Pourquoi ?
La semaine de quatre jours ne va pas. Le plus important reste la limitation du nombre d’heures de cours par semaine. Les élèves ont 30, 32, 35, 37 de cours par semaine… c’est beaucoup trop. Je souhaite limiter à 28 heures le nombre d’heures de cours. Cela fera des heures récupérées que l’on pourra utiliser autrement au service des élèves.
Comment aider les jeunes à rentrer sur le marché du travail ?
En créant des emplois. C’est aussi simple que cela.
Oui, mais comment ?
C’est le produire en France. Il faut se remettre à produire en France. C’est la seule façon de créer des emplois. Nous perdons des centaines de milliers d’emplois tous les ans. C’est cela qui nous tue. Ce sont les jeunes et les plus âgés qui souffrent.
Quelle politique de la ville vers les quartiers défavorisés ?
Il faut que l’État reprenne sa place. Les zones de non droit doivent reculer. Je nommerai dans chaque quartier en situation difficile, une personne pour coordonner l’action de l’État : sécurité, éducation… Ce sera un sous-préfet. Il aura l’obligation de résidence. Il travaillera en liaison avec le maire.
Nicolas Sarkozy avait lancé son plan Marshall des banlieues qui a terriblement déçu…
Comme sur tous les sujets ! On fait l’annonce, mais on ne fait rien derrière.
Le maire de Sevran proposait de légaliser le cannabis pour arrêter d’enrichir les dealers. Quelle est votre position ?
Tous les éducateurs disent : « Si vous faites cela, vous envoyez un signal aux jeunes. » Je suis de ceux qui reconnaissent que les plans de lutte contre la drogue ne sont pas un succès. Les trafics se nourrissent de la drogue. Mais la légalisation du cannabis est un signal d’un autre genre. Cela veut dire aux jeunes qu’il y a une autorisation.
Pour grader nos usines en France vous défendez le « made in France »…
Je ne défends pas le « made in France » mais le « produire en France »…
Vous défendez « le produire en France ». Dans le Monde daté du mardi 27 mars, une enquête démontre toutes les difficultés à acheter français…
Parce qu’ils ne savent pas. C’est justement ce à quoi répond mon label. Les gens voudraient acheter français, mais ils ne savent pas ce qui est français. On le leur dissimule avec soin. Le fait qu’il existe un label permettant de savoir que les choses sont produites dans notre pays, c’est très important.
En matière de politique d’entreprise, PS, UMP, ou encore le MoDem préconisent quasiment la même chose (allégements administratifs, aides au PME…) comment expliquez-vous ces ressemblances ?
Cela veut simplement dire que les besoins sont évidents aux yeux de tous. L’organisation politique et administrative française empêche de le faire depuis des années. J’ai décidé de le changer.
En matière d’agriculture, comment pouvez-vous soutenir les filières courtes ?
C’est très important. Les filières courtes, de plus en plus, se soutiennent elles-mêmes ! Il y a là un moyen d’obtenir des revenus complémentaires par le fait que le consommateur sait d’où viennent les produits. Il a besoin de le savoir. C’est de la sécurité, et c’est une manière de s’approprier l’acte de consommation.
La grande distribution et les agriculteurs entretiennent des relations très compliquées. Que préconisez-vous pour mieux les encadrer ?
Il faut que les producteurs puissent s’organiser face aux grandes surfaces. Des organisations de producteurs doivent équilibrer ce bras de fer.
De nombreuses exploitations ne trouvent pas de repreneurs. Que répondez-vous face à cette situation ?
Les agriculteurs doivent vivre de leur production. Le jour où cela sera effectif, il y aura des repreneurs. C’est cette politique qui doit être suivie.
Vous souhaitez un gouvernement d’union nationale. Prendriez-vous comme ministre François Sauvadet ?
L’avenir est long, essayons de ne pas être dans des postures de division. Toute ma vie j’ai essayé de ne pas être dans la division. François Sauvadet a fait le choix d’être aux côté de Nicolas Sarkozy. Bon… On verra comment, par la suite, ses idées vont évoluer.
Un autre François, c’est François Rebsamen ?
Nous ne sommes pas du même parti, mais j’ai beaucoup d’estime pour François Rebsamen. D’ailleurs mes amis locaux travaillent avec lui. Je suis bien entendu ouvert à ce que des équipes nouvelles se constituent en France avec des personnalités d’expérience et de grande valeur.
Justement, que pensez-vous du travail des élus MoDem à Dijon ?
Ce sont gens qui se battent et qui travaillent bien. «
Retrouvez l’article original sur le site de la Gazette de Côte d’Or … ici …
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